Le véhicule à air comprimé, une invention au goût du jour
À la fin du 19è siècle, de nombreuses villes françaises, comme Nantes et Paris, ont fait l’acquisition de tramways à air comprimé. Définitivement abandonné en 1929, ce mode de propulsion écologique pourrait-il revenir sur le devant de la scène à la faveur des préoccupations environnementales ? Le 18 février 1876, à Nantes, l’ingénieur français Louis MEKARSKI présente son procédé de moteur à air comprimé aux membres de la Commission Officielle chargée par le Ministre des Travaux Publics d’examiner les différentes solutions proposées pour la traction mécanique des tramways dans les villes. C’est un tournant dans les transports publics en France qui vont bientôt se passer des chevaux pour s’orienter vers des dispositifs modernes, ainsi que le veut l’époque, avec la révolution industrielle qui débute. Et si c’est la propulsion électrique qui finira par s’imposer dans le monde entier comme le modèle privilégié pour les métros et tramways, durant une courte période, l’invention de Louis MEKARSKI fera le bonheur des transports publics à Paris, Nantes, Aix-les-Bains ou encore La Rochelle. Ne rejeter dans l’atmosphère ni fumée, ni flamèches, ni panaches de vapeur ! Le système MEKARSKI est un procédé de traction à air comprimé qui “consiste à faire agir sur les pistons, comme fluide moteur, non pas simplement de l’air comprimé sec et froid, mais un mélange d’air comprimé et de vapeur d’eau” ne rejetant ainsi dans l’atmosphère “ni fumée, ni flamèches, ni panaches de vapeur”. Un procédé propre et silencieux, donc, qui permet de faire avancer de manière efficace des locomotives de tramways. Sur de courtes distances, avec globalement peu de dénivelé, il était facile d’équiper les tramways de l’époque avec ce procédé. Paris est la première ville française à bénéficier de ce mode de transport entre 1876 et 1914. Les tramways MEKARSKI seront également déployés à Nantes à partir de 1879. Les communes de Saint-Maur, Versailles et Saint-Quentin en seront également équipées, ainsi que Vichy et même la ville de Berne, en Suisse. C’est La Rochelle qui sera la dernière ville à les utiliser, entre 1901 et 1929. Depuis, l’électrique a pris le dessus pour ce qui est du rail métropolitain et l’essence est devenue le mode de propulsion privilégié de l’automobile. Pourtant, presque 100 ans plus tard, la traction à air comprimé refait timidement surface. Cette fois-ci, non pas pour les tramways et métros dans une optique de modernisation, mais justement pour équiper des véhicules automobiles, voitures ou bennes à ordure.La véhicule à air comprimé, utopie ou réalité ? En 2013, le constructeur automobile PSA dévoile ainsi un projet baptisé Hybrid Air. Il s’agit d’un concept d’architecture de moteur qui associe un moteur thermique avec un moteur hydraulique entraîné par la pression emmagasinée dans un réservoir d’air comprimé. Un modèle prometteur, en particulier d’un point de vue environnemental. Avec 69 grammes de CO2 rejetés par kilomètre, la C3 Hybrid Air faisait, à l’époque, mieux que les meilleures modèles de véhicules hybrides électriques proposés notamment par la marque Toyota. Le projet sera finalement abandonné en 2015, faute de partenaires pour le développer à grande échelle. Une autre entreprise, le fabricant MDI, se lance également sur ce sujet et propose des concepts de véhicules fonctionnant à air comprimé. Le premier, l’AirPod, n’a cependant jamais été produit à grande échelle lui non plus, faute de financement et de partenariats. La technologie est en effet compliquée à industrialiser sur des véhicules grands publics en raison d’une autonomie limitée et d’une vitesse difficile à obtenir. En parallèle, d’autres modes de propulsion tiennent la corde pour les constructeurs, en particulier l’électrique batterie et l’électrique pile à combustion grâce à l’hydrogène. Mais la propulsion à air comprimé continue d’intriguer. Une piste intéressante pour le stockage de l’électricité ? Ainsi, en 2019, une benne à ordure ménagère équipée du système à air comprimé de MDI a par exemple été mise en service par l’entreprise française Veolia. D’autres véhicules à air comprimé ont également été testé par les aéroports de Paris-Charles de Gaulles et Amsterdam Schiphol comme navette pour voyageurs. Ils pourraient aussi servir sur des marchés de niche comme véhicules pour les zones de loisirs, les campings ou encore les golfs. Une autre piste explorée par MDI récemment serait d’utiliser le procédé à air comprimé comme vecteur de stockage de l’électricité afin d’aider au développement de l’autoconsommation domestique. Bref, 100 ans après l’invention de Louis MEKARSKI, ce mode de propulsion refait timidement surface, et peine encore à trouver pleinement sa place...