Dix ans après leur reprise par le groupe indien, Jaguar et Land Rover ont retrouvé des couleurs. Mais le plus dur reste à venir.
Un symbole so new England. Après leurs noces, le prince Harry et sa femme Meghan ont quitté le château de Windsor à bord d'un petit joyau, une antique Jaguar Type E sertie d'un moteur électrique. Ce modèle sur mesure fait écho à la nouvelle vie de Jaguar, l'une des plus prestigieuses marques du Royaume.
Depuis l'arrivée du géant familial indien à Coventry, il y a dix ans, « JLR » va décidément mieux. En 2008, les deux marques cumulaient 223.000 ventes. L'an dernier, elles affichaient 614.000 unités écoulées, pour presque 26 milliards de livres (29,8 milliards d'euros) de chiffre d'affaires (+10,6 %). Record battu. Mieux encore, malgré la hausse des volumes et l'augmentation des investissements R & D, la marge opérationnelle reste accrochée à des niveaux insolents : 10,8 % l'an dernier. Soit plus que BMW ou Mercedes.
Exit l'acteur de niche
« Avec Tata Motors, nous avons triplé nos ventes, quintuplé nos revenus et sommes passés d'une perte de 400 millions de livres en 2008 à un bénéfice de 1,5 milliard l'an dernier », résume-t-on à la direction. « JLR est devenu un vrai acteur du premium, derrière les trois Allemands et Lexus. C'est appréciable : lors du rachat, le groupe avait des marques de niche avec très peu de modèles, et pas de présence mondiale », note Felipe Munoz, analyste chez Jato.
De fait, le groupe compte désormais des usines au Brésil, en Inde, en Chine et bientôt en Slovaquie. En 2020, 40 % des Jaguar Land Rover devraient être fabriquées hors Royaume-Uni. Avec 150.000 ventes, la Chine est devenue l'an dernier le premier marché de JLR, qui dispose aujourd'hui de 13 modèles dans ses deux gammes, dont 9 SUV de standing - le jackpot actuel du marché automobile.
« Par rapport à Ford, l'ancien propriétaire, Tata laisse une grande marge de manoeuvre au management, et cela se répercute positivement sur les ventes et les finances », remarque Ian Fletcher, analyste chez IHS.
Bémol, le duo aurait pu partager davantage. « Cela ne fonctionnerait pas pour les véhicules les plus grands et les plus chers, mais il y a sans doute de quoi mettre en place une plateforme compacte commune, comme le font Volvo et Geely. Les deux en profiteraient », juge Ian Fletcher. « Tata reste cantonné à l'Inde, alors qu'on aurait pu imaginer qu'il profite de l'expertise de JLR pour devenir plus international », ajoute Felipe Munoz.
Alliance avec Waymo
En attendant, Tata a su amorcer le virage de JLR vers l'électrique, la nouvelle mobilité et le véhicule autonome. La Jaguar électrique I-PACE - le premier SUV 100 % électrique hors Tesla en Europe -, arrive dans les concessions. JLR a par ailleurs investi 25 millions de livres dans le service de taxi à la demande Lyft, et surtout a signé en mars un vaste partenariat avec Waymo , la branche robo-taxis de Google.
La route n'est pas dégagée pour autant. Très exposé, JLR doit faire face à la chute du marché anglais et à celles du diesel en Europe. « Une bonne part de la croissance provient des Etats-Unis et de la Chine », tempère Felipe Munoz. Quant au diesel, « le constructeur possède un moteur essence de plus en plus utilisé », relève Ian Fletcher, et toute la gamme doit être disponible en version électrique ou hybride à partir de 2020. Restera enfin le mur de dépenses R & D qui se profile devant tous les constructeurs. Mais dans ce domaine aussi, l'adossement à Tata pourrait bien compenser la petite taille, de plus en plus relative, de Jaguar Land Rover.
À noter
Jaguar Land Rover compte aujourd'hui 43.000 salariés, contre 17.500 en 2008.
Julien Dupont-Calbo les échos.fr